Le Gwenn ha du, nom donné au drapeau breton et signifiant “Blanc et Noir” est un drapeau récent dans l’histoire de la Bretagne. Il fut créé en 1923. Il s’agit d’une synthèse subtile des emblèmes que les Bretons utilisent depuis des siècles. Il est aujourd’hui utilisé et reconnu par tous les Bretons comme l’emblème fort de la Bretagne. Apolitique et esthétique, il apparaît aujourd’hui sur le fronton de nos mairies et de nos institutions et représente la Bretagne et les Bretons à travers le monde.

Morvan Marchal, créateur du Gwenn ha du

Le Gwenn ha du dans sa version moderne est une entreprise que l’on doit à Morvan Marchal (1900-1963), architecte et militant autonomiste, qui dessina et proposa un drapeau moderne pour la Bretagne. Il fut utilisé sur le pavillon de la Bretagne de l’exposition des Arts décoratifs de Paris de 1925, où les artistes du mouvement “Seiz Breur” exposaient. Morvan Marchal, en était membre.

La symbolique du drapeau breton:

Par sa forme et ses couleurs, le Gwenn ha du est d’une conception simple pouvant être expliquée de la manière suivante :
Gwenn ha du géant devant l’Hôtel de Ville de Rennes

• Les mouchetures d’hermine représentent la Bretagne ducale. Elles sont au nombre de onze. Une version ancienne préconisait qu’elles soient innombrables (ou dit à tord héraldiquement exact). Cette dernière solution est à éviter. En effet, en héraldique bretonne les mouchetures d’hermine ne sont jamais coupées. Aujourd’hui les drapeaux produits en Bretagne comportent systématiquement onze mouchetures d’hermine. A priori sans signification, ce nombre se retrouve toutefois sur de nombreuses illustrations anciennes montrant des drapeaux à 11 mouchetures d’hermine.

• Les neuf bandes égales représentent les 9 pays historiques de Bretagne. Les 4 blanches représentent ceux de Basse-Bretagne : Cornouaille, Léon, Trégor et Vannetais. Les 5 noires ceux de Haute-Bretagne, Pays Nantais, Rennais, de Saint-Brieuc, de Saint-Malo et de Dol. On entend souvent parler des évêchés, ceux-ci s’étant établis sur la base des pays, même si aucun des évêchés ne calque à 100 % les frontières des pays.

Voici l’explication donnée par Morvan Marchal lui-même : “Au coin gauche du drapeau, un quartier d’hermines innombrables. 9 bandes égales alternativement noires et blanches, couleurs traditionnelles, lesquelles représentent : les blanches, les pays bretonnants, Léon, Trégor, Cornouaille, Vannetais et les noires les pays gallos, Rennes, Nantes, Dol, St Malo et Penthièvre. Ce drapeau qui, je le répète, n’a jamais voulu être un drapeau politique, mais un emblème moderne de la Bretagne, me paraît constituer une synthèse , parfaitement acceptable de la tradition du drapeau d’hermines pleines et d’une figuration de la diversité bretonne”.

Inspirations du Gwenn ha du

Après ces considérations sur le symbolique du Gwenn ha du, on pense aujourd’hui que Morvan Marchal se serait inspiré pour créer le drapeau breton de trois ou quatre éléments phares :

• Les couleurs et motifs historiques de la Bretagne : noir et blanc et mouchetures d’hermine.

• Le drapeau américain (Stars and Stripes) ou le drapeau grec pour leur forme considérée comme moderne pour des drapeaux, ce qui reste d’actualité et participe au succès du Gwenn ha du auprès du jeune public.

• Les armoiries de la ville de Rennes, ce qui est en soit assez courant dans les exemples extérieurs : le drapeau français s’inspirent des couleurs de la ville de Paris, il n’y a donc aucune objection à ce que le drapeau de la Bretagne ne s’inspire de celui d’une de ses capitales.

• Enfin, une famille irlandaise du nom de Marshal, homonyme de Morvan Marchal possède des armoiries ressemblant au Gwenn ha du. Est-ce une coïncidence ?

Qui aujourd’hui peut affirmer qu’une de ces hypothèses soit réelles sans éléments biographiques tangents ? On peut cependant aisément imaginer qu’un de ces éléments aient été déterminant dans la création du drapeau moderne de la Bretagne.

Comment le Gwenn ha du s’est-il imposé ?

Le Gwenn ha du, le drapeau de la Bretagne

• En 1925, le Gwenn ha du est exposé à l’exposition des Arts décoratifs de Paris.

• En 1927, les mouvements politiques bretons (dont le Parti autonomiste breton) décrètent le Gwenn ha du, drapeau national de la Bretagne. Après cette date il est aussi largement utilisé par les associations culturelles bretonnes, en particulier dans les Cercles celtiques, qui défilent Gwenn ha du en tête de cortège. Il est rapidement identifié comme drapeau breton dans les ouvrages vexillologiques étrangers.
Pardon de la Saint-Yves aux Arènes de Lutèce (Paris) où se rassemblaient plus de 10.000 personnes dans les années 60

• En 1937, une variante est utilisée à l’exposition internationale de Paris consacrée aux “Arts et techniques dans la vie moderne”. Cette version fut dessiné par Charles Couësnon.

• Prohibé pendant de nombreuses années par les autorités ne supportant aucune référence à la Bretagne, il a fallu attendre le milieu des années 60 pour pouvoir enfin hisser le drapeau breton sans entrave ni amalgame.
Le Gwenn ha du, sur la flèche de la cathédrale Notre-Dame à Paris (3/10/1972)

• Dans le tumulte de la fin des années 60 (grèves ouvrières, manifestations estudiantines, réveil des mouvements bretons…), il a refait son apparition avec beaucoup d’éclat (sur une flèche de Notre-Dame à Paris par exemple). Les associations culturelles et politiques l’utilisent de plus en plus.
Ben Harper au Festival des Vielles Charrues à Carhaix en août 1999 saluant son public devant le Gwenn ha du.

• Depuis l’intérêt des Bretons, jeunes et plus âgés, pour leur culture ne cesse de croître. Il flotte sur le fronton des mairies, des Conseils Généraux (dont celui de Loire-Atlantique, revendiquant son appartenance à la Bretagne), du Conseil Régional de Bretagne et encore lors de nombreuses manifestations (festives ou revendicatives)… Le Gwenn ha du est enfin entré dans son ère d’officialisation !

Petite histoire des drapeaux bretons : du Dragon rouge au Gwenn ha du

Le Gwenn ha du synthétise parfaitement l’histoire de la Bretagne. Par ses couleurs et ses motifs, pourtant simples (ce qui a assuré son succès), on y retrouve depuis le moyen-âge la chronologie des différents oriflammes, pavillons et drapeaux qui se sont succédés.

Les voeux 2006 du Conseil Général du Finistère, exemple de détournement du Gwenn ha du

• On suppose qu’au haut-moyen-âge, les Bretons armoricains utilisaient des oriflammes surmontées d’un dragon rouge tout comme les populations brittoniques restées sur l’île de Bretagne (actuelle Grande-Bretagne). Le drapeau gallois fait figurer encore de nos jours un dragon rouge.

• La croix noire sur fond blanc appelée aujourd’hui Kroaz du, est considéré comme un des plus anciens drapeaux utilisés par les Bretons. Les documents les plus anciens attestant ce drapeau datent des XVe et XVIe siècles, dont une version figurant le combat de Trente (1351). De même, la croix noire en tant que pavillon apparaît sur de nombreux portulans du XVe siècle associée à des mouchetures d’hermine. Cette pratique est certainement due à une “imitation” des usages de
la cour d’Angleterre où l’on faisait usage de la croix rouge.

• Les mouchetures d’hermines, signe distinctif du clergé en héraldique furent adoptées comme brisure par Pierre de Dreux (1180-1243), dit Mauclerc, qui était initialement destiné à une carrière religieuse. Il devint “prince consort” de Bretagne en 1212 par le jeu des alliances. Les armoiries des Dreux furent utilisées par les Ducs suivants jusqu’à ce que Jean III à son avènement en 1316 abandonne l’échiqueté des Dreux pour le semé d’hermine. Ces armoiries devinrent celles des Ducs suivants et ensuite celle de la Bretagne en tant que province.

• Le Gwenn ha du rassemble des éléments de ces différents drapeaux : le noir et blanc des pavillons de la Bretagne souveraine et les mouchetures d’hermine des bannières ducales.